Goma-Santé mentale: Petit à petit la drogue fait perdre à la ville une bonne partie de sa jeunesse

En ville de Goma,à l’Est de la République Démocratique du Congo, les cas des troubles mentaux liés à l’usage de la drogue, ont sensiblément augmenté ces dernières années. Les personnels soignants du centre hospitalier neuropsychiatrique de Goma (ex. Santé mentale) qui alertent sur cette question, s’inquiètent du fait que malgré cette courbe ascendante, le commerce et la consommation de la drogue à Goma se portent mieux, et regrèttent que les principales victimes soient les jeunes dont l’âge varie entre douze et trente ans.

En 2019, le centre hospitalier Neuropsychiatrique de Goma(ex. santé mentale); l’unique structure sanitaire de la ville, spécialisée dans la prise en charge des malades mentaux; a recensé parmi ses malades environ 26% de cas de personnes atteintes des troubles liés à l’usage de la drogue.
Ce pourcentage est plus élevé par rapport aux deux dernières années où le même centre n’avait enregistré que 15% des cas.
La plupart des victimes, soulignent les mêmes statistiques, sont des jeunes dont l’âge varie entre 12 et 30 ans.

Cette situation est jugée très alarmante et inquiète déjà les personnels soignants de cet hôpital qui soulignent que depuis plus de 25 ans d’existence de ce centre à Goma, C’est pour la prémière fois qu’un tel record est atteint .

Eugène BASHOMBE,psychologue-clinicien dudit centre, lui, dit craindre le pire si rien n’est fait en terme de précaution.
«Partant de ces statistiques très alarmants, je crois que, si rien n’est fait en terme de précautions, nous risquons de nous retrouver d’ici quelques années, avec un nombre assez élevé des jeunes atteints des troubles mentaux à Goma. ce qui constitue une énorme perte pour le pays. » déclare-t-il.
« la toxicomanie en ville de Goma , poursuit-il, est actuellement une urgence et devrait déjà alerter tous les prestataires de santé, les humanitaires ainsi que le gouvernement, afin de sauver cette jeunesse très exposée ».

Aperçu du commerce de la drogue à Goma

À l’issue d’une pétite enquête ménée dans le cadre de la rédaction de cet article, le constat est que; du producteur au consommateur, en passant par le vendeur(trafiquant), personne n’est inquiet du danger que représente le commerce ou la consommation de la drogue.

Dans plusieurs coins de la ville touristique, les produits psychoactifs se vendent et se consomment librément, sans inquiétude.

«SAPILO»,«GANJA», «RUTUKU»,«SHIMBOKE », «DIASEPA », «PATEX»,«SHISHA» « KASHIPA », et autres…tels sont les différents noms vernaculaires attribués à quelques drogues les plus couramment consommés en ville de Goma.
Il s’agit des boissons fortement alcoolisées, des comprimés, du tabac, de la chanvre,…que les consommateurs(majoritairement jeunes),se procurent pour s’enivrer.
À cette longue liste (non exhaustive), nos sources renseignent qu’il se consommerait aussi à Goma une drogue très enivrante, fabriquée à partir des crânes des cadavres humains, que l’on dénomme « ZOLOZOLO ».

Les lieux de consommation sont souvent des petits Kiosques, des boites de nuit, des maisons de tolérance, ou encore des endroits peu fréquentés par un grand public tels que, des chantiers de maisons en construction, l’interieur des surfaces arborées, les bords du lac où n’arrive pas grand monde, etc.

Quoique minoritaires parmi les consommateurs, les femmes aussi ne font pas d’exception parmi les gens qui s’adonnent à la drogue en ville de Goma,a-t-on constaté.

Aussi, faut-il noter, certaines parmi ces substances psychoactives viennent de l’étranger et d’autres sont produites au niveau local.

Les consommateurs s’expriment

certains jeunes consommateurs de la drogue que nous avons rencontrés nous ont expliqués qu’ils se droguent pour « oublier les stress de la vie, rester éveiller dans l’exercice de leurs metiers, ou encore pour vaincre la timidité ». D’autres encore, ajoutent que « c’est par manque d’emploie » qu’ils se droguent.
Néanmoins certains des consommateurs affirment qu’ils n’arrivent plus à s’abstenir de la drogue et que le bon fonctionnement de leur organisme en dépend.
À eux d’ajouter qu’en cas de non-consommation, leur organisme perd son fonctionnement normal. Ce qui justifie leur manque de choix.
C’est comme l’a expliqué BARAMYA Percide,un fumeur du tabac qui s’est confié à nous.
« Tant que je n’ai pas fumé, je ne me sens pas bien. Je me sens malade »  explique-t-il. Et de poursuivre:  » il me suffit de consommer quelques tiges de cigarettes pour me rétablir et poursuivre mes activités.On dirait que mon organisme s’y est déjà habitué.je n’ai donc pas le choix ».

Quand à MURHULA MUTAYONGWA (très connu dans son quartier sous le sobriquet de « Bourgeois gentil homme »), un jeune toxicomane, très populaire dans le quartier Himbi où il réside; révèle qu’il n’est plus en mesure de se passer de la drogue.
« Moi je fume et prend de l’alcool.je consomme tout ce qui est boisson alcoolisée. Je n’ai pas de préférences là-dessus » ; révèle-t-il. « Lorsque je passe une seule nuit sans avoir bu ou fumé, je fais des cauchemars et à mon réveil, tout le corps frissonne comme si j’étais gravement malade » poursuit-il.

« La drogue,une simple substance mais qui cache d’énormes dangers » (Psy Eugene BASHOMBE)

A part les troubles mentaux, les consommateurs des sustances psychoactives,telles que celles citées précédemment, s’exposent également à plusieurs problèmes tels que: des cirrhoses de foie, des maux d’estomac, des maladies qui déforment le visage, des problèmes de kwashiorkors (pour les consommateurs qui ne mangent pas bien),…nous revèle Eugène BASHOMBE, psychologue-clinicien du centre Hospitalier Neuropsychiatrique de Goma. Ce dernier souligne aussi qu’il y a parfois des cas de décès dûes à la consommation excessive et régulière de la drogue.

Pour lui, tous ces problèmes surgissent a la suite d’une certaine dépendance à la drogue, développée progressivement par les consommateurs, et qui les poussent à se droguer coûte que coûte.
« Au stade de la dépendance, le consommateur ne se sent plus en mesure de se passer de la drogue, au point de perdre certaines fonctionnalités de l’organisme ». précise Eugéne BASHOMBE.
« C’est à ce moment , ajoute-t-il, que celui-ci est appelé à consulter le plus tôt possible, un psychologue pour un accompagnement serieux, afin d’éviter le pire ».

D’où il invite tous ceux qui se sentent déjà, d’une certaine manière, dépendants de l’alcool (ou de la drogue en général), à se faire suivre par des psychologues de la place. Ceux les aideront, insiste Eugène, à prévenir les troubles mentaux.

En RDC, à part les problèmes de chômages, la toxicomanie constitue aussi un des plus grands fléaux qui frappent la jeunesse. Ce fléau semble,malheureusement, être ignoré aussi bien par les autorités du pays que par les prestataires de santé, pourtant elle continue à exterminer une catégorie de la population que l’on a l’habitude d’appeler « l’avenir du pays ». Si cette question n’est pas pris au serieux, il y a donc lieu de s’inquieter de l’avenir de ce pays, qui se compose à plus de 60% par les jeunes. Une jeunesse, dont une bonne partie se livre malheureusement à la drogue.

Emmanuel BARHEBWA