Des dizaines de milliers de Kényans sont descendus dans les rues des grandes villes du pays ce 25 juin 2024 pour contester contre la loi des finances qui entrait ce jour en troisième lecture au Sénat.
Selon Amnesty Kenya, le bilan provisoire fait état d’aumoins cinq personnes tuées par balles et 31 blessées. Cette même ONG internationale, jointe par nos confrères de RFI, affirme que les policiers ont tiré des balles réelles au cours de ces violentes manifestations qui ont éclaté dans plusieurs villes du pays.
« Les manifestants ont fini par entrer dans le Parlement où les députés venaient de voter en faveur du projet de loi de finances publiques. Les marcheurs ont forcé les barricades de police, certains en jetant des pierres. La police a tenté de contenir la foule en tirant à balles réelles » rapportent nos confrères.
Le président Ruto promet de réprimer fermement « l’anarchie ». « Nous apporterons une réponse complète, efficace et rapide aux événements de trahison d’aujourd’hui », a déclaré William Ruto lors d’un point presse à Nairobi.
L’origine des tensions ?
La crise a débuté le 13 juin, selon plusieurs médias qui suivent de près ce dossier, quand le mouvement « Occupy Parliament » est lancé sur les réseaux sociaux. Son objectif : organiser la contestation, quelques heures après la présentation au Parlement du projet de budget 2024-2025. Celui-ci a en effet généré un vent de colère, car il prévoit notamment l’instauration de nouvelles taxes, dont une TVA de 16% sur le pain et une taxe annuelle de 2,5% sur les véhicules particuliers.
Pour le gouvernement, les taxes sont nécessaires pour redonner des marges de manœuvre au pays, lourdement endetté. Mais pour de nombreux jeunes Kényans, c’est la goutte d’eau : sur les réseaux sociaux, la « génération Z », née après 1997, s’est rapidement emparée des rênes de la contestation. Dans les rues, les jeunes contestataires ont toujours leur smartphone à la main pour se protéger et filmer les policiers, régulièrement accusés de violations des droits humains. Le mot d’ordre antitaxes s’est vite transformé en une remise en cause de la politique du président William Ruto, aux cris de « Ruto must go » (« Ruto doit partir »).
Après avoir initialement qualifié « d’ignorant » ce mouvement mené par des « enfants cools », le pouvoir a fait volte-face. Il a annoncé le 18 juin revenir sur la plupart des taxes prévues, notamment la TVA de 16% sur le pain, sans parvenir à enrayer la contestation. Mais les manifestants ont poursuivi leur mouvement, demandant le retrait intégral du texte. Ils dénoncent un tour de passe-passe du gouvernement qui envisage de compenser le retrait de certaines mesures fiscales par d’autres, notamment une hausse de 50% des taxes sur les carburants.
Dimanche, le président Ruto, élu en août 2022, s’est dit ouvert au dialogue. « Je suis très fier de nos jeunes (…) Ils se sont affirmés de façon pacifique et je veux leur dire que nous allons discuter avec eux », a-t-il assuré. En vain : une des leaders du mouvement, la journaliste et militante Hanifa Adan, lui a demandé de « répondre publiquement » aux demandes d’annulation des nouvelles taxes.
Devant le silence des autorités, les contestataires ont appelé à une grève générale ce mardi 25 juin. Laquelle a rapidement sombré dans le chaos quand des manifestants ont forcé les barrages de police et pénétré dans le Parlement. Des journalistes AFP présents sur place ont vu trois personnes inanimées, gisant dans des mares de sang, aux abords de ce quartier épicentre du pouvoir, où un bâtiment a été brièvement en feu. A quelques centaines de mètres, la police utilisait un canon à eau pour éteindre un incendie dans les bureaux du gouverneur de Nairobi, selon des images diffusées par la chaîne Citizen TV.
La Rédaction