RDC: « L’accommodation au système de prédation, une erreur globalisante à corriger sous le leadership du président Félix Tshisekedi »(Tribune de BAMUANGAYI KALUKUIMBI Ghislain)

Le Président a promis de corriger les erreurs du passé, qu’il n’a pas citées. En fonction des intérêts, du camp auquel on appartient, il y a une liste d’erreurs à corriger. Celle de l’opposition comprend aussi le nombre de voyages à l’étranger, une certaine domination des balubas et le racolage au sein du défunt FCC et du mourant PPRD.

Les erreurs de gestion publique, d’orientation anti-patrie ou de déviation anticonstitutionnelle entrent dans champ de l’Etat de droit, qui les corrige automatiquement par l’application des règles juridiques.

Les erreurs dans les choix politiques, non susceptibles de responsabilité juridique, devraient être sanctionnées par les décisions politiques des parlementaires, par les électeurs au moment des élections lorsque le fauteur vient demander le renouvellement de confiance et par l’expression de l’opinion publique.

Les erreurs liées à la personnalité propre de Monsieur Félix-Tshisekedi, dans la mesure où, sans engendrer une responsabilité juridique ou politique, influent néanmoins sur la gestion publique, sont de la sphère de sa conscience. Promouvoir ou choisir de bonne foi un gars que l’opinion publique majoritaire considère moins sérieux, traitre ou voleur, se corrige par le niveau de sa propre conscience du danger que court la nation et de sa volonté à vouloir atteindre un idéal, qu’on ne peut pas réaliser avec des traitres, des voleurs et des corrompus. Tout le problème reste sur la conviction que le Chef de l’Etat peut se faire sur les personnes, s’il considère comme insuffisantes les « preuves » ou le jugement de l’opinion publique non confirmés par une justice en panne.

Pour avoir reconnu des erreurs commises à corriger, la conscience du Président de la République a bien fonctionné en commençant son processus de nettoyage personnel, qui devra se poursuivre pour et par lui-même avec leur identification, la mesure de leur ampleur et l’évaluation de leur impact sur la vie publique. Lui seul devra estimer s’il doit changer pour faire autrement ou rester ce qu’il est pour continuer dans les erreurs liées à sa personne.

Les erreurs les plus graves sont celles du peuple congolais, commises sous l’influence négative d’une politique de pérennisation du système de prédation, créée par le capitalisme mondial à travers l’esclavagisme, la colonisation et la mondialisation. Les erreurs d’un peuple soumis par inconscience notoire au pouvoir de l’argent d’une minorité.

Pour ma part, je trouve une seule erreur majeure et globalisante du régime, à corriger durant ce deuxième mandat du Président Félix-Antoine Tshisekedi. Il s’agit de l’accommodation avec le système de prédation.

La mouvance de changement et du peuple d’abord prônés par le héros et patriote Etienne Tshisekedi et par l’UDPS furent résumés dans l’annonce faite par le Président de la République Félix-Antoine Tshisekedi de « déboulonner le système maffieux ».

Rompre l’alliance FCC -CACH et écrouler la majorité parlementaire FCC pour lui donner un nouvel habit Union Sacrée de la Nation n’ont pas permis de changer la nature intrinsèque du pouvoir et l’esprit de ses animateurs. Une nature et un esprit congénitaux à l’existence de l’Etat en 1885 et perpétués par une gestion calamiteuse post-coloniale du pays.

Le système de prédation conçu pour servir les intérêts d’une minorité oligarchique par l’exploitation et au détriment de la majorité de la population, se nourrit de la faiblesse de l’Etat, de la pauvreté de la population à corrompre, de la violence sous toutes ses formes pour contraindre les faibles à donner des voix ou à céder leurs droits légitimes, de l’infantilisation des collaborateurs ployant sous le poids d’un gourou appelé autorité morale et de la division de la population par la tribalisation au rabais de la vie publique. Dans la prédation, l’Etat est un instrument au service du capitalisme libéral ; le système maffieux y trouve une zone de confort.

La bonne volonté du Président de la République dans les nominations, en espérant mieux, n’a pas empêcher le constat amer et évident à tout esprit lucide : « Mboka esi ekufa kala », « la justice est malade », « la corruption et le vol,opérés de manière endémique, sont une seconde nature chez certains »

On ne peut déboulonner un système mafieux, comme celui existant en RDC depuis l’indépendance et bien consolidé par le régime AFDL-PPRD-FCC, sans un réel investissement dans la qualité du dirigeant et l’éducation civique du peuple qui génère la classe politique. C’est un système qui trouve ses racines dans la Constitution et le mental du peuple, qu’on ne peut déboulonner sans une vue holistique, un idéal et une stratégie globale de lutte contre les anti-valeurs.

Des pistes de solution, dont les matrices existent déjà :

1. La révolution de la conscience individuelle et collective : une solution systémique par l’implication du peuple dans la réalisation de son destin.

Depuis 2018, une femme politique, Marie-Josée IFOKU, y a pensé en proposant une doctrine politique originale et panafricaniste, que les africains colonisés ne doivent pas se gêner de prospérer : « La rupture du système de prédation par la Kombolisation pour la renaissance de la République ». Elle a proposé, en 2022 déjà, d’aller à la quatrième République pour corriger les erreurs ontologiques à l’existence de l’Etat congolais, celles qui sont inscrites dans son ADN, et pour envisager autrement la vie du pays par une nouvelle naissance de l’Etat et de la Nation.

La lutte de changement a besoin de quitter le niveau des slogans politiciens pour prendre la dimension philosophique faisant du peuple le moteur de la transformation et du progrès de la société. C’est sur cette lancée que se place la Kombolisation en vue d’une révolution de la conscience individuelle et collective.

Il faut une appropriation par le peuple de son destin pour féconder un autre système de vie publique autour d’une organisation adéquate de la société et d’une autre et nouvelle conception du pouvoir et du bien-être collectif des congolais.

Sans attendre un départ de toute la population en une fois, il est possible d’organiser un leadership national autour de quelques congolais moyennement incorruptibles, dévoués à la patrie, tenaces dans un idéal, sérieux dans le travail de mise en œuvre des actions décidées pour la libération mentale et la renaissance de la République. Fatshi Beton, qui a offert le pays à Dieu, demandé pardon pour les erreurs ou péchés graves du peuple et de ses dirigeants, montré suffisamment de volonté pour en terminer avec la guerre et les détournements, est en bonne position, en ce moment, pour guider les congolais sur la voie du changement.

2. Une volonté politique du leadership national largement partagée en vue d’une nouvelle conception de la vie publique

Seule une véritable volonté politique de « changement radical et qualitatif», capable de se communiquer à l’ensemble de la classe politique et de la société civile congolaises, peut engendrer une nouvelle forme de vie publique fondée sur les valeurs. Ce qui exige de partir de la vision commune de notre présent. Celle-ci devra se construire par un examen méticuleux de notre passé et de ce que nous sommes.

Une prise de conscience collective de nos erreurs, sans nécessairement les individualiser ou les attacher à Kasavubu, àMobutu, à Laurent Désiré Kabila, à Joseph Kabila ou Fatshi Béton, devra déboucher sur un autre code génétique du Congo.

Mouvement d’Action Thomas More, un groupe de réflexion et d’initiative de la société civile, qui milite pour le rayonnement des valeurs évangéliques dans tous les domaines de la vie publique et professionnelle, vient de proposer une voie du changement par la tenue du forum national d’évaluation post-colonisation de la République Démocratique du Congo.

Par sa proposition de Forum National, Mouvement d’Action Thomas More vise la mobilisation de la classe politique et de la société civile pour :
• Évaluer notre marche depuis 1960 à la lumière des actes de la Conférence Nationale Souveraine, le tout premier forum des congolais pour jeter les bases de la refondation du pays ;
• Analyser les causes profondes de l’instabilité politique et sociale en RDC ;
• Identifier les facteurs externes qui menacent la souveraineté et l’intégrité du pays ;
• Renforcer la cohésion nationale autour des valeurs républicaines ;
• Développer des stratégies pour renforcer la cohésion nationale et prévenir les conflits internes et les menaces extérieures ;
• Promouvoir un développement économique et social inclusif et durable ;
• Se donner les moyens de maitrise de notre espace de vie et du potentiel des ressources naturelles convoitées.

Un tel cadre de réflexion globale rejoint la préoccupation exprimée par le Président Félix-Antoine Tshisekedi d’avoir une commission chargée de réfléchir sur une nouvelle Constitution. Une commission de rédaction d’une nouvelle constitution gagnera à fonctionner aux côtés d’autres axés sur les autres thématiques essentielles qui lui servent de source matérielle (économie, culture, relations internationales, éducation, social, environnement…) pour une vision plus large et complète de notre vie commune.

3. La nécessité d’une nouvelle constitution, en lieu et place de la révision face à des clefs de la prédation enfouies dans des dispositions verrouillées et non révisables.

Il est vrai que la qualité d’animateurs des institutions publiques peut laisser penser à un problème de la Constitution, qui n’en est pas un, particulièrement lorsqu’elle n’est pas appliquée et les mécanismes existant de correction ou de sanction ne sont pas mis en mouvement. Une situation générale de désuétude des textes juridiques, parfois très bons, crée un Etat de non-droit au point d’avoir des individus plus forts que l’Etat ou capables de le soumettre à leurs caprices ou leur volonté.

Néanmoins la Constitution de 2006, soit dans certaines dispositions particulières, soit dans son esprit, soit dans sa rencontre avec les besoins réels et fondamentaux des citoyens, pose problème et altère le vivre ensemble au lieu de créer l’harmonie et la concorde.

Contrairement au professeur constitutionnaliste Mbata André, qui trouve bonne et meilleure la Constitution en vigueur, nous avons nombreux tenants d’une nouvelle Constitution et de la Quatrième République. Le Professeur Kabisa Boniface l’incrimine plus en pensant qu’elle est la justification de la guerre injuste que la RDC connait à l’Est du pays. Monsieur Bosembe Christian lui trouve un blocage dans le fonctionnement général du système de gouvernance, qui doit être un régime présidentiel, plus adapté aux réalités des congolais. Madame Marie-Josée Ifoku pense à la renaissance de la RDC par une nouvelle constitution des congolais, par les congolais et pour les congolais ; elle a même proposé une transition permettant de mieux se préparer à une nouvelle République pour ne pas commettre les erreurs d’impréparation expérimentée avec la brusque entrée dans l’indépendance et dans la démocratie multipartiste.

Par une nouvelle Constitution, bien pensée et préparée avec les représentants de la classe politique et les experts de la société civile, on corrigera certaines erreurs institutionnalisées dans le système de prédation comme :
• L’organisation de la gouvernance sur fond de poids politique acquis grâce au pouvoir de l’argent, des partis politiques chimériques et des accointances tribales et ethniques ;
• Le pouvoir prépondérant de l’argent dans le choix du personnel politique ;
• La rémunération du service politique en qualité de politicien, qui ne droit pas être une profession et demeurer un apostolat dont l’exercice est facilité par les moyens publics ;
• La création d’une caste de privilégiés et intouchables, qui se croient tout permis ;
• La confiscation du pouvoir par une oligarchie organisée autour de quelques familles et personnes qui ont pu exploiter l’opportunité d’une position dans l’appareil de l’Etat ou dans la coterie des dirigeants au pouvoir ;
• Des dépenses exorbitantes pour les élections ne correspondant pas aux moyens de l’Etat et pour un rendement globalement insignifiant ;
• L’inadéquation entre l’organisation politique et l’état des besoins socio-économiques et culturels des populations ;
• L’incohérence entre la volonté politique du Chef de l’Etat et la pratique politique dans son propre camp ou chez ses collaborateurs, qui ne développent pas assez de capacité d’alignement et de répercussion ;
• Un certain défaut de plus d’exigence en l’endroit du Premier ministre et de son gouvernement pour responsabiliser le Président de la République, pourtant constitutionnellement irresponsable sur la politique de la nation ;
• Les influences tribale, cotérique et politique dans le fonctionnement de la justice ;
• La géopolitique à forte connotation tribaliste et non orientée vers le développement des communautés de base ;
• Une politique sans idéal qui se concentrent sur les postes et avantages qu’ils procurent ;
• La fracturation inutile et paralysante de population et de la classe politique en partie majoritaire au pouvoir pour être à la mangeoire et une opposition sans idéal cherchant à ramasser les miettes qui tombent de la table de l’autre groupe ;
• Le maintien et l’entretien d’institutions inefficaces et inutilement budgétivores comme le Sénat, les assemblées provinciales, la CENI et tant d’autres ;
• Le sentimentalisme d’Etat face à la délinquance des politiciens, espions et traitres à la nation, accompagnée d’une tolérance du mal pour une stabilité politique de façade ;
• Le manque d’une ambition organisée et largement partagée de puissance africaine et mondiale tenant compte des défis suscités par le contexte géopolitique sous-régionale régionale et mondiale ;
• Une diplomatie de commisération ;
• La justification de guerre ou rébellion par des dispositions de la Constitution en vigueur ;

• Une nationalité acquérable à volonté et favorisant l’infiltration par des étrangers dans les vie nationale et une pratique à ciel ouvert de l’espionnage ;
• L’indiscipline caractérisée dans la gestion publique.

Ces erreurs ne sont pas celles du seul Président de la République, bien que son l’exercice conséquent de son leadership personnel et institutionnel pèse et compte beaucoup pour le changement. Elles sont celles des congolaises et congolais, commises dans le cadre d’un système de prédation, qu’il faille corriger ensemble comme nation soucieuse de son être au monde et consciente de son apport particulier à la Civilisation de l’Universel pour se faire respecter.

BAMUANGAYI KALUKUIMBI Ghislain
bamuangayi@gmail.com
Tél. +243 999 942 752

Mamadou NDALA: une mort, deux sépultures en 9 ans

Colonel des Forces armées de la République démocratique du Congo, devenu célèbre en remportant des victoires éclatantes sur les combattants du M23, Mamadou Ndala Moustapha a totalisé ce lundi 02 janvier 2023, neuf ans, jour pour jour, depuis qu’il est mort, calciné dans sa jeep avec deux de ses gardes du corps; des suites d’une embuscade tendue, selon le gouvernement congolais, par les rebelles Ouganda d’ADF-Nalu à 10 kilomètres de Béni, au Nord-Kivu.

Dans cette tribune que vous propose KivuNyota ce jour, l’auteur est attristé de voir les congolais enterrer cet héros avec ses oeuvres (une mort, deux sépultures), interpellant la conscience, non seulement des dirigeants congolais, mais également des médias, des artistes, des écrivains, des historiens et bien d’autres, sur le devoir de mémoire.

Où est le devoir de mémoire si l’histoire souffre d’Alzheimer ?

Ce punchline , que nous tirons d’une des chansons à la saveur révolutionnaire de Youssoupha, me rappelle que rien n’est fait depuis bientôt une décennie.

2 Janvier 2014

L’ascenseur émotionnel fut immense quand Goma et le Nord-Kivu, apprend, au réveil de la plus belle « Bonne année » du 21e siècle, la disparition de celui qui, quelques semaines auparavant, venait de bouter dehors le M23. Rien ne pouvait contenir la soudaine sideration des Gomatraciens et Nord-Kivuciens qui ont vu le ciel passé du bleu paradisiaque au noir infernal.

MAMADOU MUSTAPHA NDALA s’en est allé. Oui, le Colonel qui s’était érigé en chouchou et en icône de tout un peuple était mort. Pire encore, au moment où il venait de donner aux populations de cette province longtemps meurtie les périodes de festivités les plus sereines de l’histoire.

Les mains sur les têtes, les visages décorés des larmes, la consternation était visible chez les Gomatraciens qui voyaient les exploits de leur héros se resumer en un simple feu de paille. Maudite soit cette date du 2 Janvier 2014.

Mais, Qu’avons-nous fait de cette branche de l’histoire? Quel héritage retenons-nous de l’héroïsme de Mamadou Ndala?

Chers compatriotes, saviez-vous que le récit de nos héros aux futures générations reste la principale voie d’i’nculcation patriotique ? Les jeunes s’inspirent de leurs héros, ils les admirent et suivent leurs traces par un lien d’entraînement quasiment naturel. Mais pour ça, il faut qu’ils en soient d’abord informés.

Saviez-vous que les cours d’histoire que reçoivent nos jeunes leur parlent plus des exploits de Napoléon Bonaparte, Voltaire, Général De Gaule que ceux de Mamadou Ndala, Général Bauma, Mbuza Mabe? Saviez-vous que nos jeunes vénèrent plus Lionnel Messi, Cristiano Ronaldo, Barack Obama, Black Panther plutôt que nos héros congolais que nous avons malheureusement décidé d’enfuir dans les faits divers de nos récits ?

Une nation c’est son histoire, sa memoire et ses héros. MAMADOU MUSTAPHA NDALA ne merite pas d’être jeté dans les oubliettes de la gueule de bois du 2 Janvier. Il merite une place prioritaire dans les premières pages de nos livres d’histoire, autant que tous les pontes que nous célébrons.

Gaethan Kombi, chercheur en Sciences Politiques et Administratives

Nord-Kivu: De la vie à la survie à Kanyarushinya (récit de Emmanuel Barhebwa)

Nous sommes vendredi 04 novembre 2022, date à laquelle nous effectuons notre visite à Kanyarushinya, ce site qui accueille des milliers des déplacés de guerre en provenance de Rutshuru, depuis la reprise des affrontements entre les FARDC et les rebelles du M23, depuis environ une semaine.

Nous sommes curieux de palper la réalité de ce qui se passe dans ce camps par rapport à tout ce raconte autour de la vie des déplacés là-bas.

Il est 10h passé à Goma, sous un soleil un peu accablant, lorsque moi et le motard qui me transporte, quittons la ville, pour le territoire de Nyiragongo.
Notre itinéraire part de l’entrée président.

À environ 20 minutes de route, nous sommes dans le territoire de Nyiragongo. Après avoir traversé la station Kihisi, nous entamons l’axe-routier Goma Rutshuru, qui nous mène droit vers Kanyarushinya.

De la vie à la survie

Dix minutes ne sont atteintes pour que nous découvrions les premières tentes des déplacés, installées de part et d’autres de la route.
Plus on avance, plus en en découvre davantage.

Les tentes sont tellement nombreuses, synonyme d’un surpeuplement énorme de la population. Des sources de la société civile estiment à plus de 50 000, l’effectif de ces déplacés depuis la reprise des affrontements.

Si certaines de ces tentes sont construites en bâches usées, en herbes, en pagne ou en sachets, d’autres sont couvertes uniquement des morceaux des moustiquaires. Comment une moustiquaire, dont le tissu est totalement troué pourrait protéger la personne qui réside à l’ intérieur de cette tente?…nous interrogeons-nous avec le motard. « C’est grave ce qui se passe ici mon cher » réagit mon compagnon de route.

Il est presque 11h quand nous arrivons à la barrière de Kanyarushinya. Je descends de la moto et poursuis ma visite. Juste à côté j’aperçois les restes des véhicules de la MONUSCO dernièrement incendiés par les déplacés. On raconte que les déplacés auraient posé cet acte après avoir soupçonné les agents de la mission onusienne d’être en connivence avec les rebelles. Un jour plutôt, le Gouverneur de Province était dans la zone pour calmer la tension, demandant aux déplacés « de ne pas se laisser distraire par des rumeurs inutiles, de se concentrer sur l’essentiel, et surtout de réactiver la vigilance en cette période où  l’ennemi est à la porte, de faire tout pour ne pas lui donner l’occasion de s’infiltrer ».

Le calvaire parle de lui-même

Avançant petit à petit dans le camps, je trouve des gens dans multiples occupations. Les uns construisent encore des tentes, d’autres font des attroupements devant les véhicules des ONG demandant de l’aide, d’autres font une longue fil au niveau des tanks d’eaux installées dans la zone par les ONG, cherchant de l’eau, d’autres exercent des petits commerces des produits vivrièrs, habits et autres.

Poursuivant ma visite, je m’arrête devant la tente en construction d’un des déplacés, avec qui je souhaite échanger.

« Je m’appelle Héritier Benzema, je viens de Tshengerero. » me dit-il après ma présentation auprès de lui, m’identifiant comme journaliste.
-« Je suis père de 6 enfants, mais je suis ici avec un 7ème enfant que j’ai trouvé égaré pendant la fuite et que j’ai emmené avec moi. » poursuit-il.

-Je vous trouve en plein travail de construction d’une tente, et vous le faites à l’aide de sachets et de morceaux de moustiquaires, pensez-vous que cela pourrait vraiment vous protégez contre les intempéries ?

– « Je n’ai pas le choix Monsieur le journaliste. Ici on se débrouille comme on peut. Je construit juste ce petit truc dans lequel je peux me reposer au lieu de silloner ça et là pour trouver où se coucher. »

C’est au moment où j’échange avec Héritier que d’autres déplacés me repèrent et beaucoup viennent vers moi.

-« Mutusemeye kule papa Journaliste. Tunateseka sana uku » ( « Allez plaider pour nous chèr journaliste, nous souffrons tellement ici »), insistent plusieurs d’entre eux quand ils me voyent.

-« Nous n’avons absolument rien ici, nous avons fui de chez nous sans rien emporté. Nous manquons tout. Nous n’avons ni à boire, ni à manger, moins encore de vêtements.. » m’explique Mutabazi Robert, déplacé en provenance de Rugari; répondant à ma question de savoir quels sont les besoins prioritaires dans ce camps.

Et à Madame Espérance, la soixantaine révolue, de compléter:
– « Nous sommes au point de nous casser les dos suite aux conditions dans lesquels nous passons nuit dans ces salles de classe. Nous dormons à même le sol. Aux personnes de bonne volonté, nous leur implorons de nous apporter des matelas ».

-« Nous autre, nous dormons à l’extérieur. Nous avons besoin des bâches pour la construire des tentes où passer nuit. Qu’on nous aide aussi avec des casseroles, des gobelets et autres instensils de cuisine. Nous avons tout laisser pendant la fuite. De fois on manque même où mettre la petite aide qu’on nous donne… » ajoute pour sa part Sebishimbo Gato, un autre déplacé.

Plusieurs autres qui se livrent à nous évoquent les mêmes problèmes, la plupart insistant sur le besoin de nourriture.

L’aide qui arrive des humanitaires déployés dans la zone, ndiquent-ils, est tellement insuffisante par rapport à notre effectif. « plusieurs d’entre nous n’y accèdent pas ».

La disparition des proches

Au-delà de toute la souffrance qu’ils traversent dans ce camps, plusieurs de ces déplacés vivent dans l’angoisse d’avoir perdu les traces de leurs proches durant le déplacement.

Sur sept personnes interviewées, quatre affirment être sans nouvelle de leurs membres de familles depuis la fuite.

« Moi j’ai manqué un de mes enfants depuis ce jour de la fuite…Nous étions réveillés ce jour-là, nous avions trouvé des hommes armés à l’extérieur de nos maisons. Ça tirait partout. Au même moment qu’on les avait vu, c’est au même moment que notre fuite avait commencé. Celui qui avait de la chance, avait fui avec son enfant. Le mien je ne l’ai plus revu depuis ce jour-là. Je ne sais pas ce qui lui est arrivé… » indique une dame presque avec larmes aux yeux.

De son côté Monsieur Mutabazi Robert, dit être sans nouvelles de son épouse et de ses deux enfants depuis la fuite.
« Ils étaient restées derrière au moment de la fuite », regrette-t-il. « Je n’ai aucune nouvellesd’eux depuis ce jour-là, vu que personne n’a de téléphone.Je prie Dieu de les protéger où ils qu’ils se trouvent ».

Monsieur Faustin, a également perdu son enfant, nous raconte-t-il hors micro, indiquant que plusieurs cas similaires sont nombreux dans ce cas.

La pluie, un autre calvaire

Il est presque 13h lorsque les orages de la pluie s’annoncent dans la zone. La grande question c’est où vont s’abriter ces gens…

Début de la pluie. Au moment où je me débrouille à trouver où m’abriter, je tombe sur une connaissance qui travaille au couvent des prêtres de la paroisse de Kanyarushinya, qui m’y accueille. Je suis épargné ainsi de me mouiller par cette pluie.

Sur place je continue à me demander comment se comportent toutes ces personnes restées à l’extérieur. Vont-ils se coincér dans des tentes qui n’ont pas de couvertures trouées? Et s’ils y aillent, vont-ils convenir à l’interieur ? Autant des questions me tourmentent en ce moment. Je n’hésite pas de les partager avec l’ami du couvent.

Et celui-ci de répondre :

« En ce moment, plusieurs parmi ces gens seraient entrain d’être mouillés par manque d’abris…C’est grave ce qui se passe ici ».

-Et leurs enfants?
-Par moment le parent se lève dans la tente et couvre les enfants de telle façon qu’il se mouille seul, et que les enfants soient protégées »

Difficile de réagir en apprenant ces révélations. Je reste là à méditer et à attendre la fin de la pluie pour partir.

Au sortir de mon abris, je retrouve à nouveau les déplacés.
Les eaux stagnantes ont envahi les allés de leurs tentes. Les eaux ont même débordé jusqu’à atteindre l’intérieur des certaines tentes où je trouve les enfants entrain de les enlever.

Je trouve aussi plusieurs personnes totalement mouillées, ce qui pousserait à confirme ce que l’on venait de me raconter tout à l’heure…

J’évite des interviews cette fois-ci. Je m’apprete à rentrer puisque mon heure de retour est déjà arrivé.

Je retourne ainsi à Goma, laissant derrière moi les déplacés du site de Kanyarushinya dans toute cette souffrance. Ils ont tout perdu mais ils n’ont pas perdu espoir. Ils gardent l’espoir d’un sourire et d’une vie heureuse grâce à toutes les personnes qui passent les visiter et les assister, pour les réconforter.

Emmanuel Barhebwa