Lutte contre le covid-19 au Nord-Kivu: « les anesthésistes-réanimateurs bien préparés pour sauver les vies des malades en état critique »

Du mardi 08 au samedi 11 avril 2020, vingt anesthésistes-réanimateurs de la ville de Goma et de ses environs, ont été formés sur la prise en charge des malades du Covid-19 en situation critique et l’utilisation des respirateurs automatiques pour leur réanimation.

Organisée par les organisations « Kivu Emergency Medical group (KEMG en sigle) » et « Société des anesthésistes-réanimateurs de la RDC (STARDC en Sigle) », sous l’appui du diocèse de Goma ( à travers la Caritas) et du ministère provincial de la santé, cet atelier de formation a été une occasion, selon les organisateurs, de renforcer les capacités et compétences des anesthésistes-réanimateurs et urgentistes du Nord-Kivu, en vue de les préparer à une bonne prise en charge des malades du Covid-19 qui présenteraient des complications.

La cérémonie de clôture de cet atelier de formation est intervenue ce samedi 11 avril 2020 et a connu la participation de quelques grandes personnalités du Nord-Kivu, telles que Mgr Willy Ngumbi Ngengele, évêque du diocèse catholique de Goma ou le docteur Janvier Kubuya, Chef de la Division Provinciale de la Santé au Nord-Kivu.

Pour Poteau KAMBALE, un des organisateurs de cette formation, « la satisfaction est totale du fait que les  bénéficiaires se sont appropriés la matière ». À lui d’inviter ses collègues à capitaliser cette matière pour faire face à ce grand ennemi :  le corona virus.

 » Cette pandémie exige des compétences locales, vu qu’aucun malade ne peut être transféré à l’étranger pour suivre les soins. C’est pourquoi tous les anesthésistes-réanimateurs formés doivent comprendre qu’ils sont des combattants et qu’ils doivent capitaliser leurs compétences pour affronter cet ennemi invisible, qui est le Covid-19″ insiste Poteau KAMBALE, soulignant que les portes de formateurs restent ouverts pour recevoir toute question individuelle de chaque anesthésiste-réanimateur qui voudra approfondir les enseignements reçus.

Prenant la parole, au cours de cette cérémonie de clôture, le docteur Janvier Kubuya, chef de division de la division provinciale de la santé, salue le mariage entre le diocèse de Goma et la province sanitaire du Nord-Kivu, sans lequel cette formation ne se tiendrait pas dans les meilleures conditions. « Je me rappelle lorsqu’on discutait avec nos collègues par rapport à la meilleure organisation de cette formation, on se demandait où on pouvait disposer des ressources financières. On n’a pas attendu plus d’une journée pour recevoir une réponse positive du diocèse de Goma…Nous avons reçu une somme importante d’argent qui nous permet aujourd’hui à pouvoir organiser de la meilleure manière cette session de formation. Et encore une preuve de la consolidation de ce mariage auquel je faisais référence tout à l’heure, entre le diocèse de Goma et la province sanitaire du Nord-Kivu. »

 Janvier Kibuya souhaite que, grâce à ce mariage, ladite formation se poursuive dans d’autres zones de santé du Nord-Kivu, en dehors de la ville de Goma.

« Nous sommes rassurés que cette session ne va pas se limiter uniquement à la ville de Goma parce que la province n’est pas seulement Goma. Notre province sanitaire dispose de 34 zones de santé. » fait remarquer Janvier. « Je sais que nous allons devoir élaborer un plan, en conformité avec celui que nous avons déjà fourni, pour que nous puissions également renforcer les compétences d’autres collègues qui habitent en dehors de Goma. » souligne-t-il.

« Ma plus grande préoccupation comme pasteur est de savoir comment accompagner le peuple de Dieu, devant cette maladie tragique et douloureuse » Mgr Willy NGUMBI

Mgr Willy NGUMBI NGENGELE, éveque du diocèse de Goma, dans la salle de formation des anésthésistes-réanimateurs pour la cérémonie de cloture

« Ma plus grande préoccupation comme pasteur est de savoir comment accompagner le peuple de Dieu, devant cette maladie tragique et douloureuse ». C’est par cette citation du pape François que Mgr Willy NGUMBI NGENGELE, évêque du diocèse de Goma débute son discours lors de la cérémonie de clôture de l’atelier de formation des anesthésistes-réanimateurs du Nord-Kivu. Dans son discours, le berger du diocèse de Goma parle de l’importance que l’Eglise catholique de Goma accorde à la santé de ses fidèles insistant sur l’indispensabilité de cette formation en  cette période où le bilan des décès des malades dues au Covid-19 est en train de s’alourdir davantage dans le monde. « C’est une maladie dont la vitesse de contagiosité est très rapide et dont le taux de létalité est très élevé. » reconnait Willy Ngumbi, qui estime par ailleurs que, la RDC doit plus se focaliser sur la prévention ou  le devancement de cette maladie, vu son insuffisance des moyens nécessaires  pour faire face à celle-ci.  » Dans notre pays on a dénombré un nombre insignifiant des respirateurs automatiques. Ce qui signifie que l’explosion possible de cette maladie risque d’entrainer une catastrophe jamais vécue dans notre histoire… C’est pourquoi devancer ce fléau est la mesure la plus efficace dans notre pays. »  souligne-t-il.

L’évêque de Goma a, par la suite, rendu hommage au chef de l’Etat, au gouvernement congolais et ses partenaires, pour tous les efforts qu’ils ne cessent de fournir afin d’éradiquer cette pandémie au pays. Il n’a pas, non plus, manqué de remercier la Caritas/Australie qui a financé cette formation, à la demande du diocèse de Goma. « Grace à elle, vingt anesthésistes-réanimateurs maitrisent les mesures de prévention de la maladie à Covid-19 dans l’exercice de leurs métiers et savent manipuler  les respirateurs-automatiques, au cours de l’assistance respiratoire des malades à Covid-19 qui présentent des troubles respiratoires sévères. » se réjouit Willy, qui bénit ensuite cette association « Que Dieu fructifie la source de leurs revenus ».

Mgr Willy Ngumbi, avant de conclure son discours, encourage les vingt anesthésistes-réanimateurs formés, les rassurant de son soutien dans l’exercice de leurs métiers. « À vous  vaillants anesthésistes-réanimateurs, capacités durant 4jours, du 08 au 11 avril 2020, et prêts à faire front à cette maladie, je vous encourage dans cette lutte ardue. Je suis rassuré de vos compétences à gérer efficacement les complications respiratoires de cette maladie qui est la cause principale de différents décès ».

« En ce temps de Pacques, je souhaite aux uns et aux autres de bien s’engager dans la lutte contre cette maladie afin que nos familles, nos frères et sœurs puissent être prêts à vaincre cette tragédie. » Conclut le numéro un du diocèse de Goma.

Il convient de noter que les cinq cas de Covid-19,enregistrés jusque au samedi 11 avril 2020, en province du Nord-Kivu, sont tous en bonne évolution; d’après la division provinciale de la santé.

Emmanuel BARHEBWA.

Formation des anesthésistes-réanimateurs à Goma : « Le Covid-19 ne sera vaincu que par les compétences locales ; il n’est plus question ici d’être transféré à l’étranger pour les soins » (KAMBALE Poteau)

Il s’est clôturé ce samedi 11 avril 2020, à l’hôtel la joie plazza de Goma, une session de formation à l’intention des anesthésistes-réanimateurs du Nord-Kivu portant sur la gestion des malades du Covid-19 et l’utilisation des respirateurs pour la réanimation de ces patients.

À cette effet, votre rédaction a eu en entretien exclusif cette semaine, Monsieur KAMBALE KATSUVA Poteau, anesthésiste agrégé de l’hopital « Heal Africa » de Goma, et un des organisateurs de cette formation, pour avoir une idée générale sur l’effectivité de l’activité.

 KNH: Monsieur Kambale Katsuva Poteau, bonjour!

KKP: Bonjour Monsieur le journaliste

 KNH : Vous venez d’organiser une session de formation de 4 jours, à l’intention des anesthésistes-respirateurs du Nord-Kivu. Peut-on savoir quels ont été les objectifs de cette activité ?

KKP : L’Objectif général de cette activité était de capaciter les anesthésistes-réanimateurs, de mettre à leur disposition des outils qui pourront leur permettre d’intervenir quand c’est nécessaire auprès des malades souffrant du Covid-19. C’était ça l’objectif général.

Dans la spécificité maintenant, cette formation visait que chaque anesthésiste-réanimateur, technicien ou médecin, soit à mesure d’assister un malade qui a besoin de l’oxygénothérapie;  de gérer les voies respiratoires auprès d’un malade qui est déjà en souffrance; de manipuler les respirateurs automatiques, utilisés lorsque le malade ne sait plus comment respirer; et enfin, qu’il soit aussi en mesure de se protéger, parce que nous avons constaté que la plupart des personnels médicaux meurent en pareilles situations faute d’être bien préparés. Nous voudrions ainsi qu’à la fin de cet atelier, ils soient à mesure de se protéger, de protéger l’environnement dans lequel ils travaillent et protéger aussi l’équipement qu’ils utilisent car cet équipement coûte extrêmement cher. 

 KNH : Pouvez-vous nous faire une synthèse des enseignements ayant fait l’objet de cette session de formation ? 

KKP : Merci pour la question ! D’une façon brève, nous avons eu quatre modules très capitaux, pour que l’anesthésiste-réanimateur soit bien outillé :

Premièrement nous lui avons montré de quoi il s’agit, lui expliquant la problématique du moment c.à.d. nous lui avons parlé d’une façon générale du Covid-19. Et ici, on lui a montré que cette maladie n’est plus seulement à l’étranger ou ailleurs mais que c’est arrivé ici chez nous et même ici en province du Nord-Kivu, où nous avons déjà cinq cas. Ça c’était le 1er module, présenté par le professeur John IMPAVUDU, un professeur d’université, qui s’y connait très bien.

Le deuxième module c’était en rapport avec la gestion des voies respiratoires. On n’a pas voulu tergiverser, on est allé directement au but. Nous avons montré aux anesthésistes-réanimateurs comment ils peuvent faire pour pouvoir protéger les voies respiratoires des malades.

Le troisième module c’était en rapport avec l’anesthésie. Comment l’anesthésiste-réanimateur peut conduire l’anesthésie chez un malade souffrant du Covid-19. Ça c’était aussi un autre module présenté par un expert de « Médecin sans Frontière » et de l’ONG « KEMG ».

Le quatrième et le dernier module c’était en rapport avec la sécurisation et la manipulation des appareils respirateurs ou anesthésiques.

 KHN : À l’issue de cet atelier de formation, quelle évaluation pouvez-vous faire ? Est-ce que vos objectifs ont été atteints ?  

KKP : En tout cas, entant que formateur et organisateur, je suis personnellement satisfait. Satisfait par le fait que les anesthésistes-réanimateurs se sont appropriés l’activité. Nous sommes satisfaits du fait qu’ils ont abandonné leurs multiples occupations et ont mis en avant cette activité. Deuxièmement notre satisfaction c’est de les avoir vu à l’œuvre à travers les exercices pratiques qu’ils ont effectués. À travers cette pratique, on a vu qu’ils se sont bien débrouillés et nous sommes dans notre aise. Mais nous savons que nous allons continuer toujours avec plusieurs pratiques de ces genres pour nous rassurer qu’ils sont vraiment bien outillés.

les anesthésistes-réanimateurs en pleine séances-pratiques pendant de la session de formation

 KHN : Pouvez-vous nous parler des difficultés que vous avez rencontrées dans l’organisation de cette activité ? Et comment les avez-vous surmontées ?

KKP : Bien sûr !  Nous avons connu plusieurs difficultés dans l’organisation de cette activité. La première difficulté est liée au temps. Il n’était pas trop suffisant pour nous afin de préparer et organiser l’activité comme il se doit. Faute de nos multiples occupations, le temps de préparation n’a pas été suffisant. La deuxième difficulté concerne la carence des matériels. Bien sûr qu’on peut se dire qu’on va former les gens, mais comment avoir l’équipement requis ? La troisième difficulté c’est en rapport avec les ressources humaines, c.à.d. la difficulté de trouver les formateurs. Heureusement pour nous, cette difficulté a été surmontée grâce à l’ONG « KEMG » qui a mobilisé pour nous quelques experts, sans oublier les hôpitaux « Heal Africa » et « Charité maternelle » qui ont mis en notre disposition, non seulement, les formateurs spécialisés en la matière mais également quelques kits de matériels pour la pratique. L’autre difficulté était liée aux ressources financières. Nous n’avions pas assez des moyens pour l’organisation de cette activité. Heureusement que la Caritas nous est venu en aide sur ce point-là, en nous donnant une somme d’argent pour juste trouver de l’eau que les gens devraient boire pendant la formation et le cadre dans lequel devrait se tenir l’activité.

 KNH : Quel message pouvez-vous adresser à tous vos collègues anesthésistes-réanimateurs ?

KKP : Pour les amis qui viennent de bénéficier de cette formation, nous leur demandons de capitaliser cela et de ne pas croiser les bras. Ils doivent comprendre qu’ils sont des combattants qui viennent de recevoir toutes les consignes possibles pour affronter cet ennemi invisible qui est le Corona. Nous leur demandons encore de venir vers nous, de nous contacter quand il y a des difficultés ou des sollicitations. Pour les autres provinces, nous voudrions qu’ils imitent aussi notre initiative. Le covid-19 exige que chaque pays puisse se concentrer sur les potentialités locales puisqu’il n’y a plus question ici d’être transféré en Afrique du Sud, en Espagne ou en Europe pour les soins. Et c’est pourquoi nous devons renforcer les compétences locales. Tous les confrères d’autres provinces doivent voir comment ils peuvent aussi s’organiser, trouver les capacités locales et faire quelque chose comme ce que nous venons de faire.

 KNH : Avez-vous un dernier mot à placer à l’intention de tous nos lecteurs ?

KKP : Pour finir je demande au gouvernement de mettre à notre disposition des moyens. On ne peut pas dire que la RDC manque de l’argent. Il n’y a que la volonté qui manque. Nous avons des fils dignes de ce pays, prêts à rendre un bon service à la nation. La STARDC (Société des techniciens et anesthésistes de la RDC) par exemple, est prête à fournir des personnels compétents. Il y a aussi la KEMG (Kivu emergency medical group), qui est prête à consulter les facilitateurs partout au monde, pouvant nous donner des outils comme appareils, supports, … Nous demandons donc au gouvernement d’être ouvert à nos sollicitations. Chaque fois que nous viendrons vers eux, qu’ils soient prêts à nous accompagner. Et nous, nous sommes prêts à leur rendre un bon service comme celui que nous venons de leur rendre maintenant, en mettant en place vingt combattants dignes pouvant affronter Corona Virus au niveau provincial.

Aussi, il faut souligner que nous entrevoyons plusieurs activités allant dans le même sens mais notre plus grand défi reste le manque des moyens financiers. D’où l’occasion ici, de demander de l’aide aux personnes de bonne volonté pour nous accompagner dans tout ce que nous faisons.

 KNH: Monsieur Kambale Katsuva Poteau, Kivunyota Hebdo vous remercie! 

KKP: C’est nous qui vous remercions, monsieur le journaliste.

Propos recueillis par Emmanuel BARHEBWA