RDC: Goma enterre ses fils sans enterrer le crime qu’ils ont subi

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Révolte, colère, amertume, chagrin,… tous ces sentiments ont été exprimés ce mercredi 15 mai 2024 par la population de Goma à l’occasion de la cérémonie des derniers hommages aux victimes du bombardement du 03 mai dernier dans le camp des déplacés de Mugunga, attribué à la rébellion du M23 et l’armée Rwandaise.

Au total 35 corps ont été exposés sur le site du stade de l’unité pour recevoir les honneurs, avant d’être conduits à leur dernière demeure à Kibati dans le territoire de Nyiragongo, où un nouveau cimetière a été aménagé par le Gouvernement Congolais pour les accueillir, et baptisé « Genocoste »(terme designant le Génocide subi par les congolais pour des motifs économiques).

« Cette blessure, Je ne sais pas si elle guérira… »

Difficile de retenir les larmes du côté des membres de famille des victimes.
Venus faire les adieux à leurs proches; certains d’entre eux ont, sous émotion, exprimé la tristesse ressentie ce jour, tout en exhortant les autorités tant nationales qu’internationales à mettre tout en œuvre pour que ce crime ne se répète plus jamais.

« Je suis venue enterrer mon neveu Feler LUMOO BAHATI. Il n’avait que 5 ans et il a été tué par des bombes larguées dans notre camp le 03 mai dernier. Comme vous le savez, la perte d’un enfant à cet âge-là et dans de telles conditions, c’est une blessure énorme qu’on vient de nous infliger. Je ne sais pas comment on peut en guérir… C’est vraiment horrible ce qui nous arrive. Nous avons fui la guerre à Sake et les bombes viennent nous chercher dans notre zone de refuge. Qu’avons-nous fait pour mériter ça ? «  s’interroge, larmes aux yeux, Chance Dunia, une des rescapés de ces bombardements.

À côté de Chance, se tient, la main sur la joue, les larmes défilant dans les yeux, Matilde.
Elle est déplacée en provenance de Karuba. Elle a perdu dans ces bombes, sa belle-sœur. À l’en croire, les bombes avaient trouvé celle-ci là où elle était partie chercher à manger pour ses enfants.

« D’abord la vie dans les camps reste très difficile et parfois insupportable. Dans ce site de Mugunga, chacun se bat pour la survie. Les aides distribuées sont souvent insignifiantes par rapport à notre effectif et ne nous arrivent pas régulièrement. Ma belle-sœur avait été touchée par les éclats de bombe quand elle allait chercher de la nourriture pour ses enfants. Et voilà qu’elle vient de les laisser tous orphelins. Ils sont à huit et les méchants les arrachent de leur maman. C’est une énorme perte au sein de la famille » lâche-t-elle.

Seule la Justice peut nous soulager

« Justice pour nos frères et sœurs innocemment tués… » C’est en tout cas ce qu’ont réclamé la plupart des membres de familles des victimes, les autorités congolaises et l’ensemble des activistes de mouvements citoyens présents à ces funérailles.

Pour le ministre Congolais des Droits humains, et représentant personnel du chef de l’État à cette cérémonie ; il est temps que la Communauté internationale sanctionne le Rwanda pour ce énième crime de guerre en RDC.

« La RDC ne peut pas ne pas condamner avec la plus grande énergie cette énième attaque du Rwanda en utilisant toutes les voix des droits pour que les auteurs de ces crimes internationaux imprescriptibles et condamnés non seulement par le statut de Rome, mais aussi par les conventions de Genève de 1949 et ses protocoles additionnels de 1977; soient poursuivis par nos tribunaux et par les juridictions internationales au vue des preuves matérielles en notre possession » a déclaré Fabrice Puela.

Ces poursuites s’effectueront, indique-t-il, dans le cadre de l’implémentation du processus de Justice Transitionnelle avec l’objectif principal de redonner de l’espoir à toutes ces victimes abandonnées, stigmatisées, violentées…

« Les bombes ce sont des armes de guerre. Dans le camp de Mugunga, il n’y avait pas de combattant. Il n’y avait pas un camp militaire. Ce sont des déplacés, des civils qui ne demandaient que de vivre en paix. Larguer une bombe en plein camp de déplacés ce n’est ni plus, ni moins un crime de guerre dont la communauté internationale doit se saisir… » poursuit-il.

Pour le ministre Fabrice Puela la situation du Congo doit être traitée de façon équitable avec celle d’autres pays car, insiste-t-il, « le sang des congolais vaut le sang des Ukrainiens, des français, des belges, des zimbabwéens, des sud-africains et de partout ailleurs « .

Il faut dire qu’au moment de l’inhumation de ces 35 civils morts, 37 personnes blessées par les éclats de bombes le 03 mai 2024 poursuivent encore des soins dans plusieurs structures sanitaires en ville de Goma.
Parmi elles, une jeune femme sortie du comma, dont trois fils ont perdu la vie, et à qui on cache encore la nouvelle de leur décès pour des raisons d’ordre psychologique.

Emmanuel Barhebwa

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