La province du Nord-Kivu n’entrera pas encore sur la
liste des provinces affectées et infectées par le COVID-19. Soulagement,
allégresse, ou juste un mal évité qui finirait par lui serrer la gorge tôt ou
tard ?
Nous vous proposons dans ce numéro les épisodes d’un feuilleton viral rédigé cette semaine entre incertitude, turpitude et désinformation.
endant que la pandémie du COVID-19 continue à semer mal
et désolation à travers le monde, en République Démocratique du Congo, les
points sont fermés pour combattre et barrer la route à « l’ennemi publique
numéro un » dont les forces ne cessent
de gagner du terrain. 81 cas confirmés ce lundi 30 mars 2020 dont huit décès
et deux cas à Bukavu confirmés par le gouverneur Théo Kasi. Dans 81 cas
enregistrés, aucun n’appartient à la province du Nord-Kivu, comme cela a
initialement été annoncé par le coordonnateur de la riposte contre le COVID-19,
le professeur Docteur Muyembe, le soir du jeudi 26 au vendredi 27 mars 2020,
une nuit qui s’est entièrement déclinée dans la peur et l’incertitude.
Jusqu’aux environs de douze heures du vendredi, la province du Nord-Kivu sait
qu’elle a enregistré un cas mais nul n’a l’idée dans quel coté exactement, dans
quelle partie de la province le virus a été déclaré. Le Docteur Muyembe
lui-même n’en a pas fait mention pendant sa déclaration du jeudi sur la
situation du COVID-19 en RDC.
Nord-Kivu, l’épée de Damoclès est suspendue
Le soleil du 27 mars 2020 se lève sur Goma et toutes les
autres parties de la province du Nord-Kivu mais l’écho de ses rayons est
funeste et effroyable. Une psychose règne au sein de la population du Nord-Kivu,
depuis le matin de ce vendredi 27 mars 2020, au lendemain de la déclaration du
1er cas confirmé du coronavirus au Nord-Kivu par le coordonnateur de l’équipe
technique de la riposte contre le Covid-19 en Rdc.
Les premières réactions de plusieurs Nord-Kivutiens,
après avoir appris « la mauvaise nouvelle », s’inscrivent dans le
sens de vouloir savoir quelle est l’origine de ce 1er cas confirmé du
Nord-Kivu. « Le
Nord-Kivu est vaste. Dire qu’un cas a été enregistré au Nord-Kivu, c’est nous
laisser en confusion…le docteur devrait préciser le territoire, la ville,
l’hôpital, ou encore le lieu de provenance de ce cas » déclare
sur Kivunyota Hebdo, Jean-Pierre,un jeune de Goma.
« Lorsque les sources officielles ne donnent pas
assez de précision sur une information si délicate comme celle-là, elles
donnent la place aux rumeurs et aux fausses informations; ce qui pourra semer
la panique au sein de la population » souligne à son tour Ruphin AGANZE, un autre jeune qui s’est confié à nous.
Les rumeurs que craint ce jeune se font déjà entendre au
sein de la population
La boite de pandore est ouverte
A l’absence d’une vraie information, officielle ou pas,
le peuple ne s’empêche pas de s’auto-informer, de s’imaginer et se partager ses
propres informations, tant pis qu’il ne s’agisse que des rumeurs. C’est ce qui
se passe à Goma ce vendredi matin. Les rues demeurent ébrouées, la population
se déchire, les mesures de sécurité sont renforcées dans toutes les entreprises
et organisations, même dans certaines familles, des rendez-vous importants sont
annulés. L’ennemi est présent, qu’importe où il est, il est au Nord-Kivu, donc
à Goma, peut-on entendre.
Sur la toile, les réseaux sociaux se sont inventé des
histoires pour fermer la boite de pandore que le Dr Muyembe a ouverte en
donnant une information imprécise. Par exemple, une certaine opinion fait
savoir qu’un patient d’origine nigérienne, arrivé à Goma en passant par le
Rwanda, et qui présentait des signes apparentés au covid-19, se serait évadé de
l’hôpital général de Goma. Une information qui continue à semer la psychose à
Goma.
La plus célèbre
est celle selon laquelle « le
coordinateur RH de Rescue (IRC) qui
serait arrivé à Goma une semaine plus tôt
après avoir séjourné à Kigali au Rwanda. Staff Ert (Emergency Response
Team), il habiterait une Guest avec d’autres expatriés à Goma. »
On se rappellera aussi que deux jours plus tôt, une
rumeur a circulé à Goma faisant état d’un cas trouvé aux cotés d’ASRAMES,
rumeur à laquelle la coordination d’Heal Afrika a vite mis fin à travers un
communiqué partagé sur les réseaux sociaux. On apprendra que le cas suspect
près d’ASRAMES n’était autre qu’un soulard embourbé dans son ébriété.
Carly NZANZU intervient, la boite de pandore est fermée
En début d’après-midi de ce vendredi 27 mars 2020, le
gouverneur de la province du Nord-Kivu devance le Dr Muyembe en précisant
devant la presse que le Nord-Kivu n’a enregistré aucun cas confirmé de
COVID-19. Il révèle que ce cas est bel et bien celui de l’Ituri plus
précisément à Nyakunde. Les échantillons
de Goma et ceux d’Ituri seraient arrivés ensemble au centre de traitement, il y
a eu confusion dans le rendu des résultats.
Cette annonce du gouverneur du Nord-Kivu met fin à un
cycle de psychose et d’intox. Carly Nzanzu KASIVITA ne manque pas de rappeler
que le danger n’est pas tout de même écarté, tout en invitant la population au
respect des mesures de prévention. Il promet également d’entrer en contact avec
son collègue d’Ituri pour envisager des dispositions sécuritaires entre les
deux provinces, celle de l’Ituri quelques années plus tôt ayant été à l’origine de la présence d’Ebola
au Nord-Kivu.
Un peu plus tard dans l’après-midi, le docteur Muyembe
emboite les pas du gouverneur du Nord-Kivu, dément sa déclaration de la veille
en donnant des détails sur le cas confirmé en Ituri. « Il s’agit d’un homme de 35 ans, un congolais exploitant
minier de profession résidant dans le village Mbadi à Nyakunde dans la province
de l’Ituri. »
Le docteur Muyembe indique que les investigations sont en
cours, pour déterminer si c’est un cas autochtone ou importé. Le cas a été
isolé précise-t-il, et l’échantillon a été prélevé puis envoyé à l’Institut
national de recherche biomédicale (INRB) qui l’a confirmé comme cas de Covid19.
Ironie du sort, on apprendra ce samedi que la société
civile a réfuté complètement cette confirmation de Muyembe en assurant qu’il
n’y aurait aucun cas de COVID-19 dans le village de Nyakunde comme ils veulent
le faire croire. La même personne prétendument atteinte du COVID-19, interrogé
par un journaliste local a nié complètement ne pas être atteinte de ce virus.
Imprécision et guéguerre
L’impression dans la déclaration du professeur Muyembe le
jeudi laisse à désirer. Dans la situation actuelle, des mesures appropriées
devraient être prises en compte, avec certaines prudences avant qu’une autorité
se prononce sur l’évolution du COVID-19. La coordination de la riposte devrait
peut-être être dotée (si elle n’existe) d’une cellule de communication imposante
qui conseille efficacement en vue de ne plus donner des informations
imprécises.
Au cours d’une réunion stratégique débutée ce samedi 28
mars 2020 et qui devra ce clôturer ce dimanche 29 mars 2020, réunion portant
sur la gestion de la crise liée à la maladie à coronavirus, et connaissant la participation de Sylvestre
Ilunga Ilunkamba, Premier ministre, Gilbert Kankonde, vice-premier ministre,
ministre de l’intérieur et sécurité, Eteni Longondo, ministre de la
santé, le Chef de l’Etat a déploré les diverses erreurs dans la gestion
publique de cette situation, avant d’ insister sur la cohérence dans la
riposte « de laquelle
dépendrait la confiance de la population ». Il a
aussi donné des orientations claires et précises pour une meilleure
coordination de l’action de lutte contre la pandémie.
Par ailleurs, il convient de déduire que le Nord-Kivu
pour ne pas dire Goma, demeure au bord du précipice. Si deux cas ont été
envoyés au centre de traitement (IRND) et que l’un a été confirmé, ce qu’il y a
des cas qui sont suspects à Goma ou ailleurs au Nord-Kivu, des cas sur lesquels
aucune autorité ne s’est jusque là prononcée.
Restons sur nos gardes !
Patrick BASSHAM et Emmanuel BARHEBWA